mardi 28 mai 2013

Le juste milieu d'Annabel Lyon




  • Informations:
Editions Folio
Paru le 21 mars 2013
416 pages
7,50 €

  • Résumé:
Aristote était un être de chair et de sang, et Alexandre le Grand, un adolescent plein de doutes et d'arrogance. Lorsqu'en 342 avant Jésus-Christ, le philosophe devient précepteur du futur roi de Macédoine, la relation qui s'établit est aussi singulière et enrichissante pour l'un que pour l'autre. Par ses démonstrations très concrètes sur une table de dissection, comme par ses réflexions éthiques et métaphysiques, Aristote transmet à son jeune élève la notion de «juste milieu», point d'équilibre entre deux extrêmes, si difficile à atteindre. De son côté, le fougeux Alexandre, qui désire déjà ardemment «ouvrir la gueule pour avaler le monde entier», offre des perspectives au maître peu aventureux que son père lui a choisi. Des cahutes enfumées aux chambres du palais, Annabel Lyon lève le voile sur deux hommes illustres dont l'admiration réciproque et l'intelligence ont transformé le monde. Au fil de dialogues incisifs et souvent très crus, elle explore avec finesse et jubilation des thèmes aussi universels que la transmission du savoir, les rapports filiaux, les conflits de génération, les jeux de pouvoir.

  • Mon avis:

Annabel Lyon nous plonge dans le récit romancé de la vie d'Aristote, philosophe ô combien célèbre mais dont on ignore souvent beaucoup de son héritage. L'auteur se concentre sur la période qu'il a passé à Pella en Macédoine, à la cour de son vieil ami le roi Philippe. Il y a été précepteur de son fils Arrhidée d'abord, puis d'Alexandre. L'histoire revient également sur son enfance et sur sa vie post-Alexandre mais de façon plus succincte. Aucun détail ne nous est épargné. De sa vie sexuelle à ses réflexions philosophiques, l'auteur nous propose un savant mélange de tous les pans de son existence.

L'auteur avoue de plein gré avoir transgressé la réalité historique à plusieurs reprises. Elle a notamment créé plusieurs personnages à partir de sa seule imagination. Elle a également altéré la réalité pour coller à son récit en inventant un voyage ou en supprimant un compagnon. Le fait que ce soit inscrit en toute fin d'ouvrage m'a un peu déçue. J'aurai aimé le savoir en commençant ma lecture pour savoir à quoi m'en tenir. Mais ça ne me dérange pas outre mesure. Ce que l'on sait de la vie d'Aristote comporte elle-même des lacunes et des incohérences. Donc prendre des partis pris paraît être une évidence. Ici, j'ai eu un peu l'impression d'être trompée sur la nature du contenu. Il est bien évident que c'est un ouvrage très bien documenté quand même, avec une bibliographie pertinente faute d'être prolifique.

L'intérêt de cet ouvrage n'est sans nul doute pas de lire un péplum ou un essai philosophique. C'est un roman fait pour divertir. Tout l'enjeu réside en la description de mœurs, des coutumes, du fonctionnement sociétal et de l'évolution de la pensée. On y découvre de façon fort réaliste la place des femmes et des enfants au sien de la familia et les différents statuts de servante et d'esclave. On en apprend plus sur la médecine antique et les rapports entre les corps de l'homme et de la femme. Tout cela est amené sur un fond de politique et de conflit entre Athènes et Pella. On assiste à des bouleversements géopolitiques mais cela reste en arrière fond. L'auteur se concentre plus sur l'aspect sociétal que politique même si les deux sont bien sûr intrinsèquement liés en Grèce Antique.

Le style se veut proche du lecteur, à la limite de la vulgarité fréquemment pour donner une touche moins antique à ce récit d'un autre temps. Difficile de croire que les dialogues entre philosophes prenaient cette forme. En voulant rendre son texte plus accessible aux lecteurs lambdas, j'ai un peu peur que l'auteur ait dénaturé la façon de s'exprimer des Anciens.

J'ai soulevé plusieurs points qui m'ont gênée. Je garde cependant un excellent souvenir de ce roman. Il vous transporte dans une autre époque.  Tous les éléments sont réunis pour qu'on s'imprègne de cet univers. On nous présente des personnages attachants, surtout Arrhidée, dont j'ignoré l'existence avant ma lecture. C'est au début un petit garçon atteint d'une forme de retard mental semble-t-il. Il aurait hypothétiquement pu avoir été empoisonné par sa belle-mère pour que le trône lui échappe. Aristote va le prendre sous son aile, l'aider à progresser mentalement et physiquement quand son garde-malade le traitait jusque là comme un idiot. Il va devenir un homme assez fort pour diriger (avec un peu d'aide) un royaume. Son parcours touche, émeut. Il paraît incroyable qu'il est réussi à s'en sortir aussi bien dans un monde où la virilité et la force sont des caractéristiques indispensables à un homme.

Ce roman est également porté par trois personnages féminins hauts en couleur. Tout d'abord, nous avons Pythias, la première femme d'Aristote. J'ai ressenti énormément de pitié pour elle tout au long du roman. Faiblesse et courage seraient deux adjectifs qui la caractériseraient à merveille selon moi. Elle est partagée entre culpabilité de ne pas pouvoir donner un enfant à son mari au début et son devoir de soumission. On sent quand même les prémisses d'une volonté d'émancipation de la femme, avec son désir de faire des femmes des citoyennes et d'avoir des droits au sein de la familia. Ensuite, il y a Athéa, une femme tout à fait capable mais que sa condition asservie.  Elle est plus intelligente que bien des hommes, a un fort caractère mais ne peut échapper aux traditions antiques. Enfin, on rencontre Herpyllis, d'abord servante puis épouse d'Aristote. Elle a aussi un sacré caractère et est source de savoir pour le philosophe. Ces figures sont les piliers du roman pour tout ce qu'elles nous apprennent sur cette société.

Au contraire, Alexandre est apparu comme un gosse pourri-gâté, colérique et égoïste. Je lui connaissais déjà ce caractère mais jamais auparavant, je ne l'avais détesté comme ça. On peut expliquer ce comportement par le fait qu'il est fils de roi, certainement qu'il était toujours comme ça. Il est l'antagoniste d'Arrhidée. C'est lors de ses leçons avec Aristote qu'il va développer son goût pour l'Orient et les voyages. Il est inexorablement attiré par l'exotisme. Globalement, l'auteur a échoué à rendre ce personnage réaliste. Les traits d'Alexandre sont caricaturés au possible, sans nuance ni subtilité.

> Après quelques jours à repenser à cette lecture, je me vois contrainte de nuancer mon enthousiasme premier. Si je ne dénigrerai pas la qualité de l'histoire qui vous transporte sans mal en Grèce Antique, je suis plus septique quand au rendu de l'authenticité de cet ouvrage. A vous maintenant de vous faire votre propre idée!


Je remercie Livraddict et Folio pour cette découverte!
8.5/10

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