Editions Presses de la Cité - Paru le 9 janvier 2014 - 437 pages - 20€ - Pour l'acheter
- Résumé:
A Douarnenez, en 1924, première municipalité communiste de France, les hommes pêchent quand leurs femmes, les penn sardin*, travaillent à la conserverie. Dolorès, fière adolescente, se forme à ce métier éprouvant et humiliant tant par la cadence infernale imposée que par la dureté des rapports humains. Contrainte d'accepter un poste d'employée de maison, bien mieux rémunéré, pour subvenir aux besoins de sa famille, la jeune fille éprouve le sentiment coupable de trahir les siens, sa culture, sa condition d'ouvrière, d'autant qu'elle est consciente du trouble qu'elle suscite chez son employeur. Mais bientôt la rébellion gronde en ville ; soutenues par le maire, les ouvrières exigent entre autres revendications un meilleur salaire. Jour après jour, la tension monte, le mouvement prend de l'ampleur, les incidents graves se multiplient. Ouvriers contre patrons, tous résistent. Jusqu'au scandale d'un attentat visant le maire et son neveu. Après quarante et un jours de grève, les ouvrières, auxquelles s'est jointe Dolorès au prix d'un immense courage, obtiennent gain de cause. Dans ces expériences intenses et contrastées, Dolorès puisera toute sa force juvénile pour prendre en main son destin, seule, sur le port de Douarnenez. * Penn signifie " tête " en breton.
- Mon avis:
D'un côté, je ne voulais pas le lâcher parce que je voulais
absolument savoir ce qu'allaient devenir Dolorès et ses compagnes. Mais
inversement, je n'avais pas envie de le finir. Je souhaitais rester plongée
dans cette atmosphère tendue, avec ces personnages ambigus et ces intrigues
malicieuses. C'est un paradoxe révélateur de l'attraction que j'ai ressentie
pour cette histoire.
Nous sommes au début des années 1920 en Bretagne. Pour
contribuer aux finances familiales, Dolorès, alors âgée de 16 ans, est envoyée
à l'usine pour y trier des sardines, un travail difficile physiquement et très
largement sous-payé. Là, elle découvre les bonheurs de l'exploitation ouvrière.
Ses camarades ne cessent d'exprimer leur rancœur à l'égard des patrons qui,
malgré les droits acquis lors de la précédente grève, continuent de s'enrichir
allègrement sur le dos de ces pauvres travailleuses. Les tensions sont
palpables entre les employées et les grands chefs mais aussi entres les
ouvrières elles-mêmes qui n'arrêtent pas de s'accuser les unes les autres de trahir
la cause ouvrière. Pour Dolorès, l'intégration s'annonce difficile d'autant
plus la contremaîtresse et le grand patron ont tout deux exprimés ouvertement
leur affection pour la jeune fille. Mais Dolorès est la fille d'un marin, un
homme guidé par ses principes moraux. Elle a appris à toujours agir pour le
bien de ses pairs et à rester digne en toute circonstance. Seulement, un coup
du sort la contraint de quitter l'usine pour entrer au service d'Alcide Guéret,
son ancien patron, comme dame de compagnie. Son nouveau statut ne manque pas de
faire jaser. Alors, quand les tensions explosent et que les travailleuses
entrent en grève, elle doit choisir: soit elle décide de se battre au côté de
ses collègues soit elle prend le parti des patrons.
Dolorès, c'es typiquement une jeune fille prise entre deux
feux, deux camps qui s'opposent mais qui correspondent aussi chacun à ses
origines et ses aspirations. S'il est intéressant de la voir grandir et faire
des choix, elle est surtout un personnage clef dans l'histoire pour nous
permettre de voir à travers ses yeux (innocents d'abord, farouches par la suite)
la montée des tensions dans les relations entre patrons et employés. Elle passe
souvent du statut de leader à celui de paria, vivant ainsi l'instabilité de la
situation dans laquelle elle évolue. Néanmoins, je dois bien avouer que
certains passages la concernant m'ont paru superflus pour l'histoire comme pour
l'évolution de son caractère: entre autres, son amourette avec le mousse.
Par ailleurs, le personnage de la contremaîtresse, surnommée
"La Murène", est le personnage le plus mémorable de ce roman. Ambiguë
et complexe, l'auteur a su construire autour d'elle une aura de mystère. Sa
cruauté semble tour à tour gratuite puis motivée. Si pendant une grande partie
du roman, on ne doute pas de ses intentions, certains détails finissent par
intriguer et mettre la puce à l'oreille. J'ai tout simplement adoré ses
tentatives désespérées d'attirer l'attention de Dolorès. La chute finale (sans
mauvais jeu de mot) n'en a été que plus émouvante. C'est un personnage qui m'a
semblé faire écho à la Clopine, son double miséreux, qui a en quelque sorte
connu une trajectoire inverse à celle de "la Murène" jusqu'à la fin.
Je les adore!
Néanmoins, mon plus gros regret concernant ce roman reste que
ces personnages et ces événements historiques véridiques n'est pas été
davantage inscrits dans des descriptions de la Bretagne. Je ne connais pas du
tout et j'ai eu du mal à imaginer (mais pas à apprécier) le port, l'usine et
les alentours n'ayant pas vraiment d'idée de ce à quoi cela pouvait ressembler
en vrai. Les paysages bretons m'ont tout de même l'air très différents de ce
que je connais, il est alors un peu dommage que l'auteur n'ait pas mieux planté
son décors avant de nous embarquer dans son aventure. Ça ne m'a pas empêchée de
dévorer cette histoire comme je l'ai déjà dit, mais j'ai regretté de ne pas
trouver plus de descriptions.
> Cette peinture de la Bretagne ouvrière des années 1920,
bien qu'elle ne soit pas parfaite, a su me conquérir grâce à une atmosphère
pesante et des personnages très bien construits et exploités. Je remercie
Babelio et les éditions Presses de la Cité pour cette magnifique découverte. Voilà
un roman qui me donne envie d'en lire d'autres de la collection Terres de
France !
9/10
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