Editions Folio - Paru le 30 janvier 2014 - 400 pages - 7,90 € - Pour l'acheter
- Résumé:
«Mais vous avez pourtant tué un homme ! insiste le président. - J’ai déjà tué bien des hommes», répond Albert avec indifférence. L’avocat général sursaute. Le juré le plus rapproché de la porte cesse de se ronger les ongles : «Qu’avez-vous dit ?» demande le président, suffoqué. Je lance vivement : «Pendant la guerre. - Ce n’est pas du tout la même chose», fait l'avocat général déçu. Alors Albert lève la tête : «Comment n’est-ce pas du tout la même chose ?» L’avocat général se lève : «Oseriez-vous faire la moindre comparaison entre votre acte et le combat pour la patrie ? - Non, répond Albert, les gens que j’ai tués à cette époque ne m’avaient rien fait…» Aux combats d’À l’ouest rien de nouveau succède le dur retour des soldats à la vie civile. Erich Maria Remarque nous raconte la folle recherche de leur jeunesse perdue dans une Allemagne en proie au chaos.
- Mon avis:
Auteur populaire et acclamé depuis que son roman A l'ouest rien de nouveau est étudié par
les élèves au collège, Erich Maria Remarque continue de s'illustrer en
littérature par la publication posthume de ses récits sur la guerre 14-18 côté
allemand. Alors qu'A l'ouest rien de nouveau
rapportait le quotidien des soldats dans les tranchées, il s'attaque dans Après à un moment peu exploité en
littérature et qui pourrait bien donner un nouveau souffle aux récits sur la Première
Guerre mondiale, surtout en cette période de commémoration du centenaire de la
Grande Guerre.
En effet, Après
montre le retour des soldats allemands à leur vie "d'avant", dans un
pays meurtri par des années de guerre et ayant abouti à la défaite.
Le roman s'ouvre sur le spectacle de combats dans les
tranchées, écho à son œuvre précédente. On y découvre des jeunes hommes, en
proie à la violence des combats, transformés par ceux-ci mais surtout soudés
dans la lutte. A la débâcle allemande, le trajet retour se fait lentement,
comme au ralenti, dans une atmosphère d'anticipation pesante qui montre le
poids de cette guerre perdue et le décalage entre la vie qu'on menait les
soldats pendant leur service et la vie qu'ils vont retrouver. Et quand
viennent enfin les retrouvailles, le spectre des tranchées pèsent au-dessus de
chaque famille, comme si l'on ne pouvait jamais vraiment en revenir.
"On dirait
vraiment qu'on est devenus des croque-mitaines" p.52
Cela se confirme par la suite. Jamais aucun soldat ne peut
échapper à ce qu'il a vécu là-bas. Les souvenirs sont omniprésents, de même que les rancœurs et les vengeances. L'écart se creuse entre les soldats et leur
famille dans leur langage, leurs habitudes.
"Personne ne
pourrait se faire une idée de ce que nous étions autrefois. Comme un rouleau
compresseur, la guerre a passé sur nous ..." p.37
"Et je comprends
soudain à quel point, au fond, je suis étranger et seul." p.173
"Des questions,
des questions; mais pas de réponse..." p.180
Ils gardent le réflexe de marcher au pas, de porter leur
uniforme. Ils sont une famille, la guerre les a unis et la séparation ne semble
pas être une option. Ils sont comme déconnectés de la vie réelle, celle qu'ils
avaient connu jusqu'à leur mobilisation. Et quand ils doivent reprendre le
chemin de l'Ecole Normale, l'absence des camarades tombés (plus de la moitié)
les ramène à leur condition. Ils ne sont plus des gamins, des élèves, des
frères. Ils sont des soldats. Dans ces conditions, comment penser sérieusement
qu'ils peuvent reprendre le cours de leur vie tel qu'ils l'ont laissée? La
guerre n'a pas été pour eux un intermède, elle les a changé. Comment se tenir
debout face à une classe et enseigner quand, quelques mois auparavant, on se
tenait debout, mais un fusil à la main et prêt à tirer?
" Voilà cent
jeunes soldats, dix-huit lieutenants,
trente sous-officiers et caporaux qui veulent recommencer à vivre. (....)
chacun d'eux est un soldat accompli, rien de plus et rien de moins. Mais pour
la paix? Sommes-nous aussi "bons pour le service"? Sommes-nous
d'ailleurs encore capables d'être autre chose que soldats?" p.155
"Ah! Au front,
c'était plus simple. Là-bas, il suffisait d'être vivant pour que tout aille
bien!" p.167
Alors qu'au début l'auteur n'hésite pas à détailler les
effets d'un obus sur le corps et l'esprit des soldats, l'introspection prend
peu à peu le pas. Il est "amusant" de voir comment certains silences
en disent bien plus long sur les sentiments des personnages que certaines
descriptions assez crues de la guerre. On en dit moins mais le malaise qui les
habite n'en est que plus explicite.
Mais ce roman, c'est aussi l'histoire d'une désillusion,
celle des soldats face à la guerre. Alors qu'on leur avait inculqué les raisons
de ces combats à l'école, quand tout cesse enfin et qu'ils réalisent qu'ils ont
été bernés, ils ne croient même plus en la vie. Les fondements de ce pour quoi
ils se battaient s'effondrent, et eux suivent aussi, petit à petit.
> Après est un roman
réaliste qui offre une vision déprimante de l'autre versant de la guerre. Sans
en avoir l'air, Erich Maria Remarque délivre une excellente leçon d'histoire! Il
donne envie de poursuivre et j'aimerai maintenant beaucoup lire Les camarades, sorte de suite à Après sur fond de montée du nazisme!
PS: petite suggestion aux éditeurs - serait-il possible de
publier une biographie de cet auteur? Parce qu'elle a l'air passionnante la vie
de cet homme!
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